RETROZINE : Le choix d’un jeu, c’était mieux avant ?
RETROZINE
Le choix d’un jeu, c’était mieux avant ?
Venez avec moi, je vous emmène dans le passé du JV et plus précisément dans les années 90’s. Je vais vous parler de la période d’avant Internet, Facebook, Twitter… et de tous les médias fantastiques de communication que certains d’entre vous manipulez depuis que vous êtes nés, ou du moins depuis que vous savez les utiliser. Jadis, le choix d’un jeu vidéo était basé sur d’autres choses…
Ah ! La belle époque où les infos n’arrivaient pas tout cuit dans le bec, les choses se méritaient…. Parlons peu, parlons jeux. En 1992, le 11 Avril sortait en France après le Japon, la Super Nintendo. Chaque mois, tout mon argent de poche passait, entre autre dans la presse spécialisée. Nous n’avions pas Internet ni les comparatifs en temps réel, encore moins les vidéos Youtube ou autre pour nous hyper. Nous disposions des magazines papier avec leur odeur si particulière dans lesquels nous scrutions les dossiers, les tests, les images. Il n’existait pas de smartphones ou autres appareils photos numériques. Ces images demeuraient le fruit d’un long travail journalistique fait de prises de vue argentiques qu’il fallait développer. La difficulté était de faire coïncider les écrits, les images et la mise en page avant l’impression de ces magazines pour assurer la plus grande fraicheur des news. Les reporters n’avaient pas de temps à perdre avec des fake news ou autres « pièges à click » d’aujourd’hui… même si parfois c’est divertissant. Et pourtant nous avions le droit à quelques blagounettes et autres poissons d’avril bien montés.
Je pense sincèrement, pour avoir vécu la transition du papier vers le numérique que le conditionnement du choix d’un jeu vidéo n’était pas mieux avant, il était différent.
Dans la cour de l’école, du collège puis du lycée, nous échangions les infos, les magazines car on ne pouvait pas tous se les payer. Certains achetaient Joypad, d’autres, Console+, Player One… On partageait nos impressions sur les futurs jeux, notre envie d’y jouer. Des astuces fusaient pendant les récréations pour avoir tous les niveaux dans le jeu Sonic sur Megadrive (haut bas gauche droite a + start….) ou encore obtenir des vies infinies avec le password B32R dans Super Probotector sur Super NES… Il ne se passait pas une semaine sans que notre passion nous réunisse, nous unisse. Aujourd’hui, cela n’a pas changé, c’est la manière de communiquer qui a évolué. J’avoue quand même avoir un brin de nostalgie quand je me remémore ces très bons souvenirs…
Alors ? Dans ces magazines, qu’est ce qu’on y trouvait ?
Eh bien je vais commencer par les petites annonces. Dans les années 90’s, pour vendre quelque chose, nous n’avions pas d’autres choix que le bouche à oreille et les PA (NDLR: les petites annonces) dans les journaux papiers. Chaque presse spécialisée avait donc cette rubrique qui rappelons le, tenait sur quelques pages pour les plus denses. Le choix était parfois maigre voire inexistant selon son lieu d’habitation. Il fallait donc trouver sa région, au mieux sa ville et voir ce que l’on avait à nous proposer. Autant vous dire qu’avec un tirage papier national, la date de disponibilité en kiosque et la faible place disponible pour les rédiger, il fallait s’accrocher pour vendre mais aussi pour acheter par ce biais. Pas de textos mais uniquement un téléphone fixe joignable aux heures de présence maison évidemment. Il ne fallait pas se tromper lors de la rédaction de l’annonce…Une fois celle-ci envoyée, il n’y avait plus de changement possible si quand bien même nous avions la chance de la voir publiée. Eh oui, quand on achetait ou vendait quelque chose d’occasion ça ne rigolait pas, il fallait que beaucoup de conditions soient réunies simultanément…. Nous étions loin de la facilité d’accès proposée désormais par le site « Leboncoin.fr » pour ne citer que lui par exemple. Cela a sans doute contribué au développement de l’achat compulsif, à la société de consommation d’aujourd’hui, du « tout, tout de suite ». Mais ça, c’est un autre débat.
Une fois fait le tour de ces pages qui se trouvaient souvent en fin de magazine, nous commencions donc par nous délecter de la lecture de l’édito que je ne lisais quasiment jamais par précipitation d’aller à mon essentiel…
Juste après une ou deux pages de publicité se trouvaient les previews. Nous avions à peine de quoi nous acheter un jeu par mois que l’on regardait déjà ce que le Père Noël nous ramènerait en fin d’année. Pour ma part, ma liste commençait début janvier !
Dans ces magazines, nous avions droit également une rubrique import. Le Japon, les US, je les regardais comme un rêve inatteignable, bercé par le groupe « Téléphone » et son Tube, « New York avec toi ». C’était sûr, moi aussi, un jour j’irai là-bas. Sans les moyens technologiques d’aujourd’hui et souvent à nos jeunes âges, sans expérience du voyage, c’était pour moi un moment magique où le monde était ouvert sur ma table à travers ces pages. Tantôt Las Vegas, Chicago, Los Angeles, Tokyo…., des images que personnes d’autres dans mon entourage ne pouvait me donner à cette époque. Pour environ 30 francs, je faisais le tour du monde. Du jeu vidéo certes, mais un tour du monde quand même.
Lorsque j’atterrissais sur les pages suivantes, je rentrais, avec plaisir dans l’univers de l’arcade. En 2020, la qualité graphique de ces salles investit nos salons depuis environ 20 ans. En 1999 avec la Dreamcast, l’arcade est rentrée chez nous et les salles spécialisées ont fermé peu à peu. Pour notre culture occidentale, la mort d’un lieu culte était prononcé. Ce ne fut pas du tout la même chose pour le Japon dont les salles d’arcade ont cohabité avec nos consoles de dernière génération pendant bien longtemps (NDLR: toutes nos pensées vont à ces mythiques salles d’arcade SEGA « Akihabara Gigo, dont les dommages collatéraux de ce COVID-19 ont eu raison de son succès après celle de « Anata no Warehouse » de Kawasaki pour d’autres raisons).
Durant ces belles années, combien d’argent de poche ai-je pu dépenser dans ces machines électroniques avec mes potes ? Celui qui me restait après avoir acheté des bonbons (NDLR: Ah les fils colorés et leur goût chimique !), les journaux, les jeux…
Nous passions nos mercredis après-midi dans ces endroits et dans les magasins de jeux vidéo. Je lance à ce propos un grand appel de remerciement général envers tous ces vendeurs et vendeuses dont la patience a été d’or ! Le temps que nous leur prenions à discuter jeux sans jamais trop acheter… Ah la passion…
Positionné à divers endroits selon l’édition, le Hit ou Top, je l’attendais. J’en avais deux lectures. La première et ma préférée est très simplement masculine. Oui, c’est un peu sexiste mais je ne pense pas me faire d’ennemis quand je dis que constater que mon ou mes choix étaient parmi les meilleurs me donnait une sensation de puissance et de bonne intuition. La seconde, plus sage considérait mes faibles ressources d’ado et parfois le seul et unique choix que je devais faire pour l’achat de mon jeu. Il ne fallait donc pas se tromper. Je comparais les listes de tous les journaux que je possédais afin de ne pas faire d’erreur.
Rassuré ou pas, je passais enfin au moment le plus long de ma dégustation, les tests. Cette rubrique m’apportait plusieurs choses en fonction de mon humeur et de mes envies. Je me rappelle de l’annonce puis de la découverte du mythique Street Fighter II sur Super Nintendo sorti en Septembre 1992 en France. Sincèrement, je ne dormais plus sans un rêve d’incarnation de Chun Li, Guile ou Ken qui étaient mes persos favoris. J’ai fait une overdose de lecture, relecture, de previews, de tests, de dossiers de quasi tous les magazines disponibles. Bref, j’étais hypé comme jamais. A cette époque, la qualité de mon écriture était loin de celle des journalistes (NDLR: AHL, Gollum, Trazom et bien d’autres talentueux) et pourtant, en attendant d’avoir ma cartouche de jeu, je me lançai dans la confection d’un dossier avec dessins et fiches pour chaque personnage, textes et mise en page, tout ça à la main car je n’avais pas d’ordinateur. C’était le kiff total !
Les tests constituaient pour moi la tentation, le mal absolu. D’autant que leurs auteurs maniaient suffisamment bien la plume pour trouver les bons mots, les belles tournures pour nous donner encore plus envie…ou pas selon le titre à l’essai. Et surtout, ils avaient un gros avantage sur nous ! Ils avaient eu le jeu avant nous !
Toujours dans un souci pécuniaire, je ne pouvais pas avoir plus d’une console à la maison. Mes parents n’en avaient pas les moyens. Alors je faisais….. des échanges. Combien de fois suis-je passé de la Megadrive à la SNES et vice et versa ? Et puis d’autres après. Je suis incapable de m’en rappeler. Ce dont j’ai souvenir par contre, c’est de ce conditionnement bercé par les tests des magazines qui me faisaient virevolter entre l’une et l’autre selon les sorties et mes goûts de l’époque. J’ai souvenir également d’avoir déjà eu cette envie plus jeune lorsque je disposais de la NES et que mon meilleur ami, lui, jouait sur la Master System de SEGA. J’étais bien trop jeune pour espérer pouvoir faire un échange dans un magasin de jeu. Mes parents, eux ne voyaient pas ça d’un bon œil et me répétaient sans cesse cette belle phrase: « Le plus important n’est pas ce que l’on veut mais ce que l’on a ! » Sans leur avoir avoué que je ne comprenais pas tout le sens de cette phrase, elle a trotté dans ma tête jusqu’à ce que je lui donne un sens. Et, ils avaient bien raison.
A l’adolescence, le dimanche, avec mes amis nous allions les uns chez les autres et ne nous possédions pas tous la même console au même moment. Influençable et faible que j’étais, je me trouvais souvent, une fois parti, toutes les raisons du monde pour me dire que celle que je n’avais pas était la meilleure, que les jeux étaient plus recherchés, la qualité graphique bien au-dessus de l’autre, le son… La seule que je n’aurais, à cette époque jamais pu me permettre était sans doute la NeoGeo de SNK, la Rolls des consoles. Je dégotais donc tous les arguments plus ou moins valides pour justifier mon envie de nouvelle acquisition. Mais dans ma tête, c’était déjà clair. Le soir même, c’était décidé, je ferais tout pour avoir la même console que mon ami ! Et ainsi dès le mercredi, le temps que la sauce monte encore un peu, je prenais mon sac, ma console, mes jeux, le peu d’argent que j’avais. Je me rendais, dans un premier temps dans mon magasin préféré pour faire du troc, comme un bon mineur à cette belle époque. Arrivé devant le marchand, nous l’appellerons ainsi pour les besoins du scénario, je tremblais à l’idée de savoir à combien il estimerait le rachat de tout ce qui m’avait déjà coûté tant d’argent de poche. La somme allait-elle me permettre de me payer au moins la nouvelle console et un jeu? Peut-être en aura-t-il une en occasion et en bon état moins cher pour me payer un ou deux jeux de plus, d’occasion eux aussi ? ll est inutile de vous dire que pendant ces quelques jours qui précédaient cette croisade, mon cerveau avait déjà mis à plat toutes les probabilités. Pour ça, les maths, je les comprenais bien. Cette possibilité de consommer le jeu vidéo était une manière de nous rendre encore plus addictifs et donc de dépenser plus malgré nos faibles ressources. Il manquait un petit quelque chose, papa et maman seraient là… Les magasins l’avaient bien compris. Ce marché de l’occasion et de l’échange fait d’ailleurs encore vivre la majorité des enseignes de nos jours.
Parfois, une seule échoppe ne suffisait pas. J’avais la chance d’en avoir quatre et je pouvais donc comparer. Cependant, à mon jeune âge, sans autre moyen de transport que le vélo, le bus ou mes jambes, le parcours avait été calculé au mieux mais les allers-retours laissaient parfois la place aux autres. Le temps de me décider sur le premier en ayant fait mon petit tour, il m’est arrivé que la console me passe sous le nez. Toujours pas de téléphone portable à cette époque. Au mieux nous disposions de cabines téléphoniques à carte dont les unités de ces dernières étaient toujours vides au mauvais moment… Je ne vous raconte pas qu’elle amertume j’ai pu ressentir quand j’ai dû rentrer sans la nouvelle console. Il ne fallait plus m’adresser la parole pendant le reste de la semaine. Mais la plupart du temps, je ne repartais pas bredouille. J’ai développé un sacré sens du bagout grâce à mes combines.
Parsemé de tests, les journaux de JV proposaient aussi beaucoup de dossiers sur l’actu et les jeux. Cela venait agrémenter l’envie de jouer, d’avoir et d’échanger. Quand on aime…
Je pourrais encore vous parler de cette époque des heures durant. Il est évident que tout s’est accéléré depuis la création des nouvelles technologies de communication. Internet, la téléphonie mobile, Internet sur le téléphone mobile, tout est accessible immédiatement sur simple demande écrite ou vocale à son assistant. Mais qu’en est-il aujourd’hui ? Les choses ont-elles évoluer ? Pourquoi ?
Tout d’abord, je souhaiterais clarifier quelque chose. Je ne pense pas que cela soit les jeux vidéo qui aient évolué directement, côtés technique et technologique mis à part. Nous avons changé. Nos mœurs se sont modifiées. C’est donc un fait sociétal. La technologie, à notre service nous a rendu dépendants, plus pressés et pressants. Nous sommes maintenant dans l’ère du « tout, tout de suite ». De ce fait, nous avons acquis une capacité d’absorption de l’information bien supérieure à celle d’antan.
Comme évoqué précédemment, considérons que maintenant, l’information nous la choisissons. Avant, la TV, la presse papier, la radio constituaient les seuls médias à notre disposition pour nous tenir informés. Nous étions dépendants de leurs dates ou heures de sortie ou diffusion. En plus de ce nombre qui a progressé (internet, réseaux sociaux…), la façon dont nous nous tenons au courant a également changé. Nous sommes passé de « passifs » à « actifs ». Nous nous orientons vers ce qui nous plaît et les rdv sont terminés. Fini les émissions dont il fallait programmer la disponibilité ou son enregistreur VHS pour pouvoir le regarder ultérieurement. Nos créateurs de contenu (NDLR: un nouveau métier est né, créateur de contenus/influenceur), aussi nombreux soient-ils, et ce sur tous les sujets, nous permettent, à présent, de faire notre programme, quand nous le voulons et ce n’importe où, avec les produits mobiles et l’internet très haut débit. Même les « anciens » leader médiatiques se sont mis au numérique. Ainsi, journaux, chaînes de TV et radios proposent désormais leurs contenus en live mais aussi en replay, pour celles et ceux qui n’auraient pas été disponibles à ce moment. Et cela change tout. Le média n’est plus à notre service mais c’est bien notre temps de cerveau disponible qui est au service de ceux-ci. C’est d’ailleurs avec ces mots et de cette façon que les magnats de la communication résonnent aujourd’hui afin de créer les meilleurs contenus pour remplir nos petites têtes assoiffées d’informations en tout genre.
Comme toute évolution, il y a du positif et du négatif. Vous êtes intéressé par tel ou tel jeu ? En trois clics, vous vous serez rapidement fait votre opinion avec son, image, texte à l’appui à l’instant même où vous avez besoin de vous renseigner. C’est génial, plus d’attente dans ce monde où nous sommes quotidiennement à la course au temps. « Aujourd’hui, je me fais plaisir, alors ce n’est pas demain, c’est tout de suite ». Votre choix rassuré par ces influenceurs, deux solutions s’offrent à vous. Aller chez le revendeur le plus proche, et satisfaire votre plaisir vidéo ludique. Jusque là, ce n’est pas bien différent d’avant. Seul le laps de temps entre la prise d’infos et le passage à l’acte s’est réduit. La naissance de ces nouvelles technologies nous a alors ouvert deux choix supplémentaires; le livré chez soit, très rapidement et l’achat dématérialisé.
C’est en 1995 qu’officiellement la société Amazon.com (NDLR: Site de vente et achat en ligne) voit le jour. En 1998, Jeff Bezos, son créateur décide de diversifier l’offre et d’accélérer la logistique. Le succès est sans appel. Cet ancien de la finance avait vu juste et comme un excellent analyste, il avait traduit les besoins naissants des consommateurs de l’époque en réel service, fiable et durable avec le succès qu’on lui connaît encore aujourd’hui. Il n’était pas et ne demeure pas le seul sur ce marché lucratif. Cependant, c’est bien à partir de ce moment que le consommateur compulsif qui sommeillait en nous a pu se réveiller et assouvir sa soif d’achat.
Quelle aubaine de pouvoir s’asseoir, tranquillement, sans les parasites environnementaux qui parfois ne vous font pas faire les mêmes choix lors de vos déplacements en magasin. Il est désormais possible et en toute quiétude de s’informer tout en recherchant sur les différents sites de vente en ligne les jeux, au meilleur prix et au délai de livraison le plus rapide.
Alors qu’en est-il du paiement ? Beaucoup plus difficile pour nos jeunes têtes blondes de procéder ainsi sans carte bancaire à disposition, sans pièces ni billets. Comment s’assurer de la sécurisation à 100% de la transaction ? Le piratage informatique a d’ailleurs pris son envol lorsque les enjeux comme l’argent se sont présentés avec ces nouveaux outils de consommation.
Pour autant, quel plaisir lors de l’attente de sa commande et cette sorte d’adrénaline lors du passage du livreur ! Nous retrouvons là un peu des émotions de notre cher et tendre passé. Pour la plupart, dans cette attente de plus ou moins courte durée, nous continuons notre hype avec Youtube, Twitch et tous ces canaux qui parfois nous en disent un peu trop. Nous nous piégeons, seuls, face à l’envie d’en savoir toujours plus. Le plaisir s’en retrouvant parfois annihilé. Et ça l’industrie l’a bien compris. Combien d’entre vous finissiez vos jeux par le passé et combien d’entre vous les finissez aujourd’hui ? Il en résulte une sorte d’addiction à la possession plus qu’au plaisir de jeu lui même. Soyez honnêtes ! Qui d’entre vous n’a pas gardé un jeu sous blister des mois voire des années durant? C’est alors que la sortie des jeux augmentent quantitativement et les durées de production sont de plus en plus courtes de manière générale. Nous le savons mais cela ne nous empêche pas de tomber dans le piège et de se satisfaire d’avantage des émotions créées avant l’achat que du plaisir de jouer. L‘exemple même des chaînes, des sites et autres médias de JV qui pour tester des jeux sont de véritables marathons. Ils nous rendent parfois des tests plus « commerciaux » et oublient les origines de leur métier : Partager avec son public le plaisir pris lors de l’essai du titre. Cela s’en ressent beaucoup dans la qualité des contenus proposés au travers des médias qui ont traversé ces époques. Notre belle passion qui avait déjà connu des moments difficiles s’est peu à peu transformée en produit financier dont les enjeux mercantiles sont tels que le simple mot passion s’en retrouve ébranlé…
D’un point de vue économique, l’avantage de tout cela se situe au sein de certaines enseignes de la grandes distribution, qui, pour rivaliser avec les géants du web ont sacrifié un peu de bénéfices sur leurs boites de haricots verts afin de proposer des prix compétitifs. Ainsi, de nos jours, certaines enseignes proposent régulièrement des jeux vidéo en physique moins chers que les jeux dématérialisés.
Cette façon de consommer est le firmament de la tournure commerciale exagérée qu’a prit notre beau monde du jeu vidéo
La machine infernale n’en était qu’à ses débuts. Avec le débit de nos connexions internets qui ne cesse de croître, les data center sont nés (NDLR: site physique regroupant des installations informatiques chargées de stocker et de distribuer des données à travers un réseau ou via un accès internet). Plus besoin de se déplacer pour assouvir notre passion du JV. Plus besoin d’attendre que le colis soit livré. Les shop en tout genre sont nés. E-shop (NDLR : marché de contenu en ligne Nintendo), PS Store (NDLR : idem pour Playstation) ou autres Microsoft store (NDLR : Idem pour la Xbox de Microsoft) pour ne citer qu’eux. Après les démarches ultra rapides de prise d’informations, nous voici donc, dans la même journée à la phase d’achat et de réception. Le client ne va plus en magasin mais c’est aujourd’hui le magasin qui vient chez le client, une révolution !
Dans les années 2000, la dématérialisation commençait à prendre sa place (NDLR: Le saviez-vous ? Le concept de dématérialisation est né en 1981 avec l’apparition des services PlayCale, développé par Mattel, General Instrument et GameLine, développé par Control Video Corporation pour les consoles Atari 2600. Cela passait par de simples lignes téléphoniques avec les maigres débits que l’on a connu. Du moins, pour certains d’entre vous. Source: www.zone-blanche.com).
Certains jeux se sont même servis de ce support comme seul et unique canal de vente, squeezant ainsi de nombreux frais de création de jaquettes, mise en boîte ou autres pressages de dvd… Une aubaine pour beaucoup, tant du côté de l’industrie vidéoludique que des passionnés comme nous qui n’affrontions plus les ruptures de stock ni même le temps qui nous est si cher. Il faut bien avouer que beaucoup de personnes ne comprennent toujours pas pourquoi le fait d’acheter un jeu en dématérialisé coûte plus cher qu’en version boite et reste, de ce fait un grand mystère. Il ne faut pas oublier que stocker dans des data center très sécurisés, avec des millions d’usagers quotidien sur les routes de l’Internet, coûte extrêmement cher à faire fonctionner…
Le choix ? Le premier point positif de cette nouvelle révolution technologique. Plus de rupture, plus de limitation. Un envie de rétro sur votre PC, du dernier Persona sur votre PS4? Le web et ses data center proposent quasiment tout, à n’importe quelle heure de la journée ou de la nuit. Bref, vous l’aurez compris, l’industrie levait ainsi la plus grande frustration du joueur, L’ATTENTE ! Quel incroyable outil pour booster les ventes !
Grâce à cette possibilité numérique, beaucoup de petits studios ont pu voir le jour et proposer leurs talents en tant que créateurs à moindre frais. Ce qui a d’ailleurs prouvé que les AAA n’étaient pas forcément les meilleures propositions vidéoludiques en matière de plaisir. Le jeu indépendant était né. Les graphismes, le son ou la direction artistique peuvent être comparés de plus en plus à de gros blockbusters. J’ai pour exemple Ori and the blind Forest de Moon Studios dont les graphismes oniriques font encore fantasmer les joueurs. Binding of Isaac dont cette fois le gameplay et le genre furent une grande surprise. Le rogue like renaissait d’un passé où ce genre n’existait pas encore en tant que tel…Je pourrais vous en citer des milliers d’autres à disposition sur les plateformes de téléchargement. Je vous laisserai nous partager vos meilleurs expériences indés, en bas dans les commentaires (NDLR: C’est simple, vous remplissez les champs en bas de page suivi de votre partage).
Mais pour avoir du choix, comme dans une librairie, il faut pouvoir avoir un lieu virtuel dans lequel les acheter, les ranger, les classer. Steam (NDLR: première version apparue en septembre 2003), Epic, Origin…Autant de noms de structures qui ont vu le jour avec l’avènement de la dématérialisation. Ces bibliothèques proposent des dizaines, voire des centaines de milliers de jeux vidéo accessibles n’importe où et à tout moment. La réponse virtuelle à nos étagères encombrées dont les conjoint(e)s ou parents commençaient à se lasser.
Plus aucune raison de ne pas se laisser tenter par l’appel des promos ! Et elles sont nombreuses sur ces plateformes, tout le temps, sur tous les supports. On se retrouve donc à en avoir plus pour moins cher. Mais ne dépensons-nous pas plus au final ? Avons-nous le temps de jouer à tout cela…Tiens donc, posez vous la question si vous osez !
Aucune possibilité de se les prêter, il n’est donc pas rare que votre entourage dispose des mêmes jeux que vous. Avec l’arrivée du jeu en ligne, rendu, lui aussi possible grâce à la croissance de nos débits de connexion, certaines fois ce doublon est justifié, pour les autres cas non. La valeur ajoutée d’un côte se retrouve être un frein de l’autre. Nos plus jeunes, avec leurs budgets serrés se retrouvent alors à devoir échanger leur identifiants et mots de passe de leurs comptes en ligne. Les parents, dont ce code est parfois le seul et l’unique de la famille, lorsqu’ils sont au courant se retrouvent donc parfois avec de mauvaises surprises… « Paul ? Tu n’avais pas enregistré ma carte bancaire sur Steam lorsque je t’ai acheté ton jeu la dernière fois ? …. Non, non ! »
Outre ce énième problème de sécurité, qu’en est-il lorsque l’on s’arrête de jouer, que le temps d’écran est dépassé ? Je me souviens que mon plaisir, après mes sessions de jeux était de continuer dans mon univers au travers de mes lectures. Notices, magazines, brefs j’étais loin d’en avoir fini avec ma passion… Aujourd’hui, ce n’est quasiment plus possible. Sortis de nos écrans, que nous reste-t-il ? La presse ? Malheureusement, les ventes se sont effondrées depuis l’avènement du numérique. Les notices ? Laissez-moi rire. Elles sont aux oubliettes. Je me demande si l’un des enfants de notre époque dont les parents n’auraient pas été bercé par le JV (NDLR : c’est possible ça ?) sait de quoi nous parlons.
Passionné par le papier, les boîtes, je découvrais une étrange addiction grâce à cette simplicité d’acquisition. Pendant un temps, sur xbox 360 notamment, je n’achetais plus que du dématérialisé. Puis, humainement vint le revers de la médaille. Car même s’il faut bien l’ avouer, ces points positifs ont bouleversé notre consommation de jeu vidéo, tout n’est pas parfait dans le meilleur des mondes…
Progressivement, les enseignes spécialisées ont commencé à trembler. Micromania, dont certaines boutiques ont du fermer, Dock Games, qui n’existe plus, racheté par Micromania ou autres plus petits revendeurs n’ont pas vu cette transition d’un très bon oeil. Pour eux, on leur coupait leur gagne pain. Tellement vrai.
Du côté de l’industrie, il a fallu réorganiser beaucoup de choses et les dates de sortie de certains jeux ont dû soit s’espacer ou, à l’inverse ont forcé cette machine mercantiliste à transformer ce produit culturel en véritable consommable. Les professionnels du milieu ont connu de nombreux burnouts lorsque certains studios leur mettaient la pression pour commercialiser leur produit dans les temps.
La naissance des DLC en est une dérive. Les jeux peuvent sortir avant la fin de leur création et ainsi les éditeurs de nous vendre le titre complet via des additionnels. La réponse de l’argent à la compression du temps. Nous pouvons donc dire qu’à cet instant, nous nous sommes rendus victimes de notre propre nouvelle façon de consommer. Après tout, aurions nous pu boycotter et ne plus nous adonner à notre passion en n’achetant plus ces nouveaux jeux ? Je vous laisse la libre pensée.
Image conçue par Jeux Noob
Malheureusement, la machine financière ne s’arrêtant pas là, il y eut l’apparition progressive, tout d’abord par le biais du jeu mobile (smartphones et tablettes) de l’achat in-app et le pay to win (NDLR: payez pour gagner). Entendez par là que le jeu, au demeurant gratuit que vous pouvez télécharger sur les différentes plateformes ne vous permettra d’accéder à tout son contenu que si vous mettez la main au portefeuille.
Parallèlement au « tout, tout de suite », l’industrie a donc dû adapter ses coûts de production. En plus de ce système d’achat dans l’application, pour les rentabiliser, elle a créé, entre autre, les loot boxes (NDLR: Coffre à butin). Une façon lucrative d’inciter leurs clients (NDLR: Vulgarisation du joueur) à acheter, de manière addictive de nouvelles boites dont les « cadeaux » remis sont très aléatoires. Cette façon de faire a été saisie par la commission des jeux de hasard. Elle reprochait une forme d’addiction mercantiliste trop prononcée (En parallèle aux jeux d’argent) pour être mise à disposition dans un univers qui touche majoritairement un jeune public influençable et surtout parfois mineur. Une grande société comme Electronic Arts en a fait les frais, notamment pour sa grande implication dans la série des Fifa entre autre. Certains pays comme la Belgique ou les Pays Bas ont même dû adapter leur législation afin de protéger leurs citoyens. Ils ont fait purement et simplement interdire la commercialisation des titres concernés sur leurs territoires.
Hormis ces dommages collatéraux sur la sphère commerciale, il ne faut pas oublier l’impact de ce changement sur nous autres, les joueurs. Lorsque vous achetez un jeu physique, celui-ci vous appartient au sens légal comme commun du terme. Ainsi, vous êtes libre d’en faire ce que vous voulez. Vous pouvez, le donner, le vendre, l’échanger. Rappelez-vous ces temps passés dans nos bonnes vieilles crémeries à scruter la liste des jeux d’occasion ouverts à l’échange. Pour ma part, selon le jeu que je ramenais et celui que je souhaitais en échange, le prix de la transaction pouvait varier entre 50 et 150 francs. Quel plaisir supplémentaire dans l’écosystème du passionné ! Une façon additionnelle pour les revendeurs de faire grimper leurs chiffres d’affaires et leurs marges.
La dématérialisation, en plus de nous supprimer ce côté affectif, nous a presque supprimé nos droits. Nous payons ainsi la valeur d’un titre qui ne nous appartient même pas. Pire, il a une durée de validité. Prenez l’exemple du magasin en ligne de la console Nintendo Wii (NDLR: Wii Shop Channel). Il a fermé ses portes le 30 janvier 2019. Cela veut dire que si vous n’avez pas téléchargé tous les jeux payés en ligne sur ce store, ceux-ci pourtant acquis sont perdus. A aucun moment, lors des transactions on emploie le mot location pourtant. Y aurait-il anguille sous roche ?
Il nous est à ce jour peu aisé de les revendre ou de les échanger. Il paraît que l’industrie avec des grands noms comme Steam/VALVE, Epic ou d’autres y songent…
Pour conclure, je peux affirmer que ce qui dicte nos choix vidéoludiques aujourd’hui n’est pas une meilleure voie que celle d’avant, c’est juste différent. Cela a évolué en parallèle de notre façon de vivre, elle-même influencée par notre environnement.
Il faut voir l’avenir sans jamais oublier d’où l’on vient. Le fruit quotidien qui nous nourrit est le résultat de ce que nous avons semé par le passé. On ne peut pour autant pas rester attaché à ce dernier sans conséquences pour notre présent. Ne pas être rétro et vieux jeu à la fois !
La rapidité et la simplicité avec laquelle nous obtenons nos précieux jeux aujourd’hui nous a conduit sur un chemin scabreux ou possession rime avec plaisir. A trop vouloir avoir, profitons nous réellement de ce dont nous disposons déjà ? Cette réflexion que je vous ai partagé tout au long de ce dossier m’a fait réaliser qu’il fallait savoir se déconnecter de temps en temps pour revenir à l’essentiel. Je vous laisse méditer.
Ainsi, ce n’était pas mieux avant, c’était différent, même si aujourd’hui, de nombreuses questions se posent. Ce trop plein d’informations ne nous fait-il pas perdre du temps à devoir trier le vrai, du faux ? Gâchons-nous notre plaisir avec la facilité d’obtention de l’information multimédia ? Disposons-nous, en toute transparence des véritables données qui influencent nos achats ? La rapidité et l’aisance avec laquelle nous consommons notre passion ne nous font elles pas perdre le plaisir ressenti ? Chacun d’entre nous pourra apporter sa propre réponse subjective. Il n’y a pas de vérité universelle sur ce sujet. La différence ne fait pas l’indifférence, bien au contraire, c’est peut-être ça la clé de la richesse pour tous.