Le Donjon de Naheulbeuk : L’Amulette du Désordre – Le test sur PC

Le Donjon de Naheulbeuk : L’Amulette du Désordre

Catégories : Aventure – Tactical-RPG

Plateformes : PC

Langues : Intégralement en Français, Anglais, Allemand + Chinois simplifié pour les textes uniquement

Taille : 8 GB

Date de publication : 17/09/2020

  Développeur : Artefacts Studio

Éditeur : Dear Villagers

Disponible en téléchargement

 

Il y a des licences qui s’oublient rarement, et Naheulbeuk (prononcer « na-heul-beuk ») en fait, pour mon cas, partie. Démarrée en 2001 par John Lang, fier breton grand consommateur de tout ce qui touche de près ou de loin à la fantasy et à l’heroic fantasy, cette licence se fait d’abord connaître sous la forme, originale à l’époque, d’aventures racontées et jouées sous format mp3 : on apprendra à connaitre les pérégrinations d’aventuriers très naïfs quant à leurs capacités martiales ou magiques, inconscients des dangers et nigauds dans leurs comportements, mais attachants dans l’aspect résolument cliché de leurs caractéristiques : le Barbare bourrin, l’Ogre glouton, le Nain chiant comme la pluie, le Voleur froussard, l’Elfe précieuse ridicule, la Sorcière hautaine et le Ranger qui essaie tant bien que mal de diriger cette équipe de bras cassés. La saga s’inspire sans détour des majors de la fantasy, tous supports confondus : Conan le Barbare, le Seigneur des Anneaux, Harry Potter, Baldur’s Gate, Diablo, les « Livres dont vous êtes le Héros », la liste est longue. Le tout largement saupoudré d’un humour franchouillard et gras dont certaines répliques restent en tête même vingt ans après ! Au fil du succès de la saga audio qui s’est fait principalement grâce au bouche-à-oreille pendant l’âge d’or d’Internet, et en dépit de la durée de production très étendue des épisodes (il fallait parfois attendre 3 mois entre deux épisodes), John attire des talents qui l’aident à structurer son récit et étoffer ses personnages, au point de produire, en fin de compte, des romans, des bandes-dessinées, des chansons, des concerts, le tout dans la continuité ou dans la reprise des éléments entendus dans la saga audio. Après un projet de série animée toujours en pause à ce jour, il est temps de voir ce que la licence nous propose dans son jeu vidéo.

Le ranger, l’elfe, le barbare, le nain, la sorcière, le voleur, l’ogre… c’est bon, tout le monde est là !

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Dès le départ, « L’Amulette du Chaos » brise un quatrième mur hybride entre elle-même, l’aventure audio et la complicité induite avec le joueur, puisque bon nombre des répliques du tout premier épisode de la saga sont prononcées par les personnages, dont certains insistent sur leur impression de déjà-vu (déjà-bu, dirait le Nain, aidé par son penchant pour la bière). Pourtant, non : cette aventure n’est pas un copié-collé de l’aventure audio, mais le décor général ainsi que la quête principale est a priori la même : pénétrer le terrible Donjon de Naheulbeuk et récupérer la douzième statuette de Gladeulfeurha pour permettre au mage Gontran Théogal d’ouvrir la porte de Zaral Bak et accomplir la prophétie (aucun détail sur la prophétie…). Nos premiers pas servent de tutoriel pour les déplacements, les bases des combats et la prise en main de la dimension RPG du titre.

Graphiquement, l’approche équilibrée entre touche mature et tracé cartoonesque est réussie, autant pour ce qui constitue les décors variés du donjon en lui-même que pour les aventuriers et autres PNJ ou adversaires qu’on y croise. On note néanmoins des ralentissements dans les animations de nos personnages, voire carrément des temps plats pour enclencher certaines actions comme le simple fait d’ouvrir une porte. J’ai compté : entre le moment où je clique sur une porte pour chercher à l’ouvrir (ce qui n’est déjà pas garanti puisqu’elle peut être fermée à clef ou n’être ouvrable que par un levier caché ailleurs) et le moment où je peux reprendre ma route, il se passe en général sept secondes. C’est peu vu comme ça, mais quand on ne peut rien faire de ces huit secondes à part attendre, et qu’il y a un grand nombre de portes, placards, coffres et autres objets à « ouvrir », ça fait au final vraiment beaucoup. Pire : dans une pièce « bonus » qu’on ouvre grâce à une compétence à débloquer auprès d’un de nos héros, une énigme consiste à trouver le bon ordre d’activation entre huit leviers : on passe un temps excessivement et inutilement long pour activer les leviers, et tout le fun potentiel de l’énigme est ainsi perdu… Tout ceci manque cruellement de fluidité.

Les déplacements se font au clic, mais il ne sera pas possible d’explorer à la souris la zone autour des personnages : seule la carte donne une vision d’ensemble du niveau où on se trouve, et distingue les pièces déjà visitées des endroits encore non arpentés, et des portes à ouvrir. En déplacement, un zoom permet de prendre un peu de hauteur de vue ou au contraire de s’approcher un peu de l’action, mais c’est au final un artifice esthétique pas très utile, d’autant que des effets de zoom vont s’enclencher dans les moments les plus épiques des combats : par exemple lors d’un coup critique réussi.

L’emprunt à Conan est totalement assumé, n’est-ce pas ? Par contre, d’où vient cette idée du poulet qui fait du moonwalk en bas à droite ?? Mais j’oublie : certains poulets ne sont pas ce qu’ils paraissent être !

Parlons des combats, justement, puisqu’il s’agit d’une des deux phases principales du jeu. Tactical-RPG oblige, on bastonne au tour par tour selon les règles classiques du genre : les déplacements et actions d’attaque (corps-à-corps ou à distance) se font selon des scores de Courage, les autres caractéristiques des personnages (et des adversaires évidemment) permettant de déterminer leurs points de vie, leurs dégâts, leur résistances à certains types d’attaque, leur capacité de déplacement sur la grille de combat, et on se bourre le pif jusqu’à élimination de tous les adversaires d’en face, où jusqu’à évanouissement définitif de toute notre équipe.

Même en « Normal », les combats sont relativement compliqués mais le jeu rééquilibre cette difficulté par deux biais. Premièrement, si un personnage perd tous ses points de vie, il est évanoui pendant trois tours pendant lesquels on peut lui prodiguer des soins pour le faire se battre de nouveau. C’est seulement à l’issue de ces trois tours qu’il est mis hors de combat, quand n’importe quel adversaire est mis, lui, hors de combat dès l’instant où il n’a plus de points de vie. Deuxièmement, la déesse Randomia nous prête main forte : par un procédé aléatoire, une jauge se rempli au long de l’escarmouche et nous permet, à mesure qu’elle se rempli, de bénéficier de bonus non négligeables : téléporter un perso, soigner tel ou tel allié y compris ceux inconscients, donner un point d’action supplémentaire quand la base est de deux… de quoi redonner une touche d’espoir quand le combat peut vite sembler désespéré.

Les esquives, coups ratés, échecs critiques sont très fréquents, mais heureusement pas seulement pour notre équipe : si l’on pestera de rage d’avoir raté une attaque, on sera d’autant plus ravi quand on verra la même chose arriver à un mob orque qui nous cause des ennuis.

La dimension Tactical-RPG reste très classique : on se protège comme on peut, et advienne ce que le sort nous réserve !

Il faudra prendre évidemment en compte les forces et les faiblesses de nos camarades : éviter de mettre l’Elfe, déjà pas très à l’aise à l’arc, en première ligne, et le Barbare à compter les points au fond de la salle : logique, mais les placements de nos personnages vont aussi apporter des avantages tactiques non négligeables : deux perso côte-à-côte feront respectivement plus de dégâts que tout seul, et encore plus quand l’un de ces deux personnages dispose de la compétence passive adaptée à son comparse. Ces points de stats et ces compétences vont être renforcées avec les équipements trouvés au gré des fouilles et des pugilats, du casque à l’armure en passant par les traditionnels ceinturons ou bagues en tout genre. Si certains sont exclusifs à un seul de nos personnages, quelques-uns seront adaptés pour tout le monde : à nous de savoir à quel personnage tel ou tel objet sera le plus utile en fonction des bonus qu’il octroie.

Dans le fourre-tout des objets collectables, on verra de multiples clins d’œil à l’aventure audio, notamment dans les items qui n’ont d’autre fonction que d’être revendu contre un peu d’or, comme le Vase en bronze ou la Tête d’ours empaillée ; on trouvera également des consommables pour regagner de la santé en combat, ou des projectiles type grenade, pourvu qu’on ait pensé à les mettre dans notre ceinturon prévu à cet effet avant le combat.

Chaque niveau supplémentaire nous accorde 2 points de stats à répartir à gauche, 1 de compétence active et 1 de compétence passive. Les arbres de compétences sont propres à chaque personnage.

Que ce soit au cours des déplacements dans le donjon et les quêtes annexes, généralement Fedex, ou pendant les combats, on aura plaisir à tester les différentes compétences des compagnons, en particulier celles qui faisaient l’attention de certains épisodes de la saga. Il faudra par exemple veiller à sélectionner le voleur pour détecter les pièges dans un couloir, et voir ses camarades rester prudemment derrière lui. On pourra par contre regretter ce côté systématique du groupe : qui que nous sélectionnions, verra derechef le reste du groupe se mettre en vrac derrière lui, ne permettant aucun déplacement d’un seul personnage pour des actes ciblés, comme par exemple celui mentionné plus haut de l’activation des huit leviers : tous ces personnages qui tournent en rond dans le seul but qu’un d’en eux active une succession de leviers est assez fouilli, au final.

Les combats ne sont pas exempts de défauts et de bugs, au chef desquels un souci probable de codage : trop souvent, lorsqu’on choisit une action en cliquant dessus avant de la faire faire par le personnage dont c’est le tour, l’action en question n’est pas « enregistrée » par le jeu, ce qui fait que le clic suivant comptera comme un point de déplacement ou d’action quelconque qui n’a rien à voir avec ce qu’on voulait faire au départ : par exemple, c’est au tour de l’Elfe : je clique sur « attaque à distance » puis sur cette araignée pour l’attaquer : non seulement l’attaque ne se produit pas du fait du bug mais le clic sur l’araignée fait que l’Elfe se déplace près d’elle et l’engage au corps-à-corps, où elle n’aura aucune chance de vaincre. De quoi déstabiliser beaucoup si on ne prête pas attention à ce que l’on fait et que le jeu enregistre correctement l’action voulue.

Un des très nombreux clins d’œil du jeu – et de l’esprit Naheulbeuk – à la pop culture et à la fantasy : les aficionados reconnaitront « Binsc » et sa marque bleue, à la recherche de « Moo ».

D’autres bugs existent mais en ce qui concerne les sons et principalement les dialogues. Outre le fait que le casting original n’a pas pu être utilisé pour les voix des perso du jeu, on rencontre différents problèmes : certains combats n’ont pas de musique, certains dialogues ont des toutes petites coupures – comme si la qualité de l’enregistrement était mauvaise, et certaines répliques, pendant les combats principalement, sont jouées l’une par-dessus l’autre, sachant que les deux servent exactement le même propos. Encore un exemple : je réussis un coup critique avec le Nain, qui va s’exclamer (sous-titre à l’appui) « Dans les genoux ! » pour laisser éclater sa joie d’avoir réussi un critique, mais dira quasiment en même temps (et sans sous-titre cette fois) « Ouuaaaaaiis !! » pour la même raison. C’est assez paradoxal de voir ce type de défaut quand on sait le soin que John Lang pouvait apporter, à l’époque, à la qualité de ses enregistrements audio, et tout ceci casse un peu l’immersion.

Le reste de la musique alterne entre de francs rappels des chansons de la saga, comme « A l’aventure compagnons » qu’on entend à la taverne, qui prend tout le premier étage du donjon, et de la musique d’ambiance dans le ton mais franchement pas inoubliable. Quelques sons, comme celui qui annonce la victoire à la fin d’une bataille, sont également des versions améliorées des sons entendus dans les aventures audio.

La taverne est un lieu central : soins, quêtes, aventuriers supplémentaires, on y trouve de tout… mais jamais gratuitement !

Il y a donc un sentiment mitigé quant au produit final. La lenteur des animations et des actions face à la belle touche artistique et des effets de magie très réussis visuellement, un fan service assumé mais pas complètement téléphoné parsemé de bugs assez énervants, une aventure inédite avec les personnages qu’on aime depuis si longtemps, mais avec des voix auxquelles nous ne sommes pas du tout habitués… difficile de faire le tri. Ce qui rassure, c’est que l’esprit potache qui faisait le charme des aventures de Naheulbeuk et le délire constant des personnages sont fidèles aux origines et de ce point de vue, les fans de la première heure ne seront pas déçus. Les amateurs de Tactical-RPG ne seront pas en reste, s’ils sont suffisamment magnanimes devant les problèmes mentionnés de lenteur dans les combats et des bugs récurrents dans leurs mécaniques. On peut donc, à ce stade, espérer deux choses : que les bugs et autres petits problèmes remontés aux équipes par les joueurs seront pris en compte et traités par un futur patch, et que la réussite de ce jeu, tant du point de vue de l’originalité de la quête que du plaisir de vivre cette aventure avec nos héros, poussera un nouvel engouement pour la série animée prévue depuis si longtemps, voire encore d’autres projets !

7/10

 

Test réalisé par whackangel, merci à Dear Villagers pour la copie fournie.

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