Rocksmith+ – Le test sur PC
Rocksmith+
Rocksmith, l’histoire d’une promesse difficilement tenable ?
Il sera difficile d’écrire un test sans faire de comparaison avec Rocksmith 2014, le grand frère de Rocksmith+ actuellement sous les projecteurs, tant on a pu voir des évolutions fortes entre les deux titres.
C’est au cours d’une beta fermée, au tout début de l’été 2021, que Rocksmith+ commence à montrer ses couleurs, et la volonté de changement pour se démarquer d’une formule pourtant réussie par son aîné. La version 2014 était un soft payable une fois, avec la possibilité de jouer Guitare Rythmique, Guitare Solo ou Basse, principalement au moyen du câble RealTone (dont l’utilité ne va pas au-delà des titres Rocksmith, ce qui est dommage), avec une flopée de packs de chansons à acheter en DLC – le catalogue étendu de Rocskmith 2014 disposant ainsi de plusieurs milliers de chansons, achetables une seule fois, en plus des leçons intégrées au titre.
Rocksmith+ adopte une autre approche : les leçons sont conservées, et même améliorées pour servir tous les niveaux, mais propose cette fois-ci une formule par abonnement, avec la volonté d’agrémenter le catalogue de chansons jouables (5000 au lancement) tous les mois. L’autre nouveauté, c’est la possibilité de ne pas utiliser de câble pour appairer la guitare au soft : c’est notre téléphone portable qui servira de micro-transcripteur, à condition de connecter ordinateur et téléphone sur le même réseau wifi.
Un an après la fin de la beta, Rocksmith+ sort enfin de l’ombre, pour faire la joie (ou la peine) des musiciens en herbes comme des plus talentueux.
Là où Rocksmith 2014 pouvait plaire, même dans sa version réduite sans DLC, c’était que ses titres étaient suffisamment connus pour donner envie de les jouer et de les apprendre, même s’il y en avait peu. A l’inverse, Rocksmith+ fait un étalage de plus de 16 genres musicaux, qui sont tous remplis de titres majoritairement inconnus, qui ne donnent pas spécialement envie de s’y plonger. Le très grand nombre de titre ne peut se parcourir que par genre ou par le moteur de recherche, qui est très vexant puisque très peu de choses qu’on aimerait trouver – fussent-elles issues des DLC de Rocksmith 2014 voire même du titre original, ne s’y trouvent pas. Quelques exceptions bien entendues, comme la majorité des titres de l’album éponyme de Boston sorti en 1976 dont on a déjà vu un titre sous la version 2014, mais noyées dans une masse dans laquelle circuler n’est pas évident – heureusement qu’il est possible de mettre nos chansons préférées en favoris !
Avant chaque leçon ou chaque chanson : on accorde son instrument !
Comment ça marche ? La base du soft, c’est de faire défiler les notes d’une chanson avec les indications nécessaires pour positionner nos doigts sur la bonne corde et la bonne case de la guitare, et de gratter la ou les cordes au bon moment. Chaque corde est différenciée par sa propre couleur et chaque case par son numéro de frette, et la chanson défile en temps réel.
La chanson est elle-même découpée en plusieurs parties, qui correspondent généralement à la structure de la chanson : couplet, refrain, bridge, solo, etc. : ces parties sont visibles en haut de l’écran à mesure que la chanson progresse. Une erreur sera notée par un petit point sous la section incomplète, ce qui permet de repérer plus rapidement où sont concentrées nos difficultés, et une section jouée sans erreur sera affichée en surbrillance. Très pratique.
Pas la peine de se cacher : j’en ai bavé, comme le montrent les points blancs sous la barre de progression du titre.
On regrettera, par contre, qu’un très grand nombre de chansons n’affiche plus les paroles, comme le faisait pourtant à chaque fois Rocksmith 2014.
Les titres estampillés Ubisoft sont jouables selon plusieurs versions, généralement « Solo », « Rythmique » et « Accords », avec quelques variantes. On peut choisir le niveau de difficulté, qui va faire augmenter le nombre de notes à jouer dans la chanson et le nombre de techniques à maîtriser au cours du morceau : à la fin de votre performance, la valeur du niveau est multipliée par le taux de notes bien jouées, pour donner votre score de maîtrise du titre.
Si certains passages sont vraiment trop difficiles, on peut soit baisser la difficulté, soit demander à travailler avec le « Répétiteur de riffs », en sélectionnant la partie concernée, et en modifiant la vitesse de jeu. Un excellent entrainement !
En gagnant des points, on débloque des niveaux et des récompenses pour changer l’esthétique de notre guitare ou des effets de lumières.
D’autres titres déjà disponibles ne sont pas labellisés : avec eux, pas de possibilité de choisir le niveau de difficulté, voire de choisir une version entre différents styles de jeu. On entre ici dans le territoire du Workshop, où tout un chacun peut proposer une grille jouable par le soft pour des titres dont Ubisoft dispose du droit de retranscription dans le soft. Comme le niveau de difficulté n’est pas modifiable, les musiciens les moins aguerris seront vite dépassés ; à l’inverse, les plus pointilleux pourront regretter des titres incomplets ou des modes de jeu très limités.
Le Workshop reste une avancée notable, dans la mesure où les plus patients et les plus mélomanes pourront faire leurs propositions : certaines se verront validées officiellement par les équipes de développement pour sortir du lot de tout ce qui pourra être accessible dans le catalogue général : quand il est mentionné une bibliothèque en expansion avec des millions de titres à venir, on peut se demander si tout ceci va être bien pratique ou même utile.
Du bon power-chord bien rock’n’roll !
Une autre différence notable, qui surprend l’oreille, c’est cette volonté de distinguer le plus clairement possible le son de notre instrument de celui de la chanson : on entendra très distinctement chaque note jouée et retranscrite par le soft, par-dessus les instruments qu’on entend habituellement dans le titre, ce qui provoque plusieurs effets.
Tout d’abord, on se sent intégré au groupe, « dans la chanson », c’est d’ailleurs très plaisant. Dans la continuité de ce ressenti, on entend immédiatement quand on se trompe de case ou de frette, et qu’on sonne donc faux. Là où cette immersion s’arrête, c’est généralement en fin de performance où le fade out baisse le volume de tout le monde jusqu’à la fin complète du morceau… sauf pour votre instrument. Les dernières notes sont donc jouées beaucoup plus fortement que le reste de la chanson, ce qui casse l’immersion pourtant bienvenue au départ.
Pour augmenter cet effet immersif, le soft propose aux musiciens de choisir la sonorité de l’instrument dans une sélection assez vaste de possibilités, qui conviendra ou pas aux morceaux choisis ensuite. A chacun de se faire son idée.
Maman, je sais jouer un la mineur !
Les leçons et les formations spécifiques permettent à tous les niveaux de se familiariser avec des techniques directement retranscrites dans les chansons : on reste libre de les apprendre sur le tas, en jouant le morceau, ou en passant par la leçon d’abord. On aurait apprécié, à ce titre, des propositions en fin de leçon à aller jouer tel ou tel titre qui met le mieux en pratique le contenu de telle leçon, les exercices de fin d’apprentissage restant très sommaires.
Les « professeurs » invités font néanmoins le travail : chaque technique, chaque spécificité est abordée avec pédagogie et simplicité, sans mentir sur le plus important : c’est la pratique qui fait la différence.
Malgré tout ça, Rocksmith+ ne convaint pas vraiment, à la suite d’une petite série de soft qui partait sur une promesse simple : nous permettre d’apprendre à jouer de la guitare, ou de la basse… ou même les deux. Rocksmith 2014 en avait même fait son accroche marketing : « apprenez à jouer de la guitare en soixante jours ! ». On ne sait pas pourquoi, mais Rocksmith+ semble avoir baissé le niveau de ses ambitions en proposant cette fois de « Profite[r] d’un accès illimité à l’apprentissage de la guitare ». La promesse est moins élevée, mais le problème persiste.
Une très grande variété de techniques sont détaillées en vidéo, exercices pratiques à l’appui.
Rocksmith n’est pas une série de softs pour apprendre à jouer de la guitare : ce sont des softs qui nous permettent d’apprendre à jouer des chansons à la guitare, et la nuance est très importante. Ce n’est pas parce que le soft nous indique le nom des accords qu’on doit jouer, qu’on comprend ce qu’on joue quand on le joue – même quand on passe du temps sur les cours proposés ! D’ailleurs, Rocksmith+ comme ses aînés ne propose pas le nom des notes seules qu’on joue : à nous, par nous-même, d’apprendre les noms des notes sur les frettes.
Le titre n’a aucune approche de fondamentaux de solfège, de théorie de la musique, et, plus spécifiquement pour la guitare, de ce que sont le système CAGED, les gammes pentatoniques ou les modes de jeu : que d’exemples qui prouvent bien la différence entre « savoir jouer de la guitare », et « savoir jouer telle chanson à la guitare ». La promesse de la série Rocksmith n’est tenable que si les joueurs font eux-mêmes le travail d’aller chercher en dehors de Rocksmith des compléments pourtant indispensables à leur éducation musicale. Vu la formule d’abonnement et les moyens déployés par Ubisoft, on le regrette.
J’ai donc découvert Miguel, qui propose des riffs simples mais assez efficaces à base de double-stops.
Est-ce à dire que tout est à jeter ? Certainement pas ! Mais il faut savoir pour quoi on installe Rocksmith+ sur son PC, et pour quoi on accepte de se délester de menues piécettes régulièrement : pour le défi de jouer comme les plus grands, même si ça implique de commencer petit ; pour le plaisir de découvrir ou redécouvrir certains arrangements (je n’aurais jamais cru pouvoir jouer « Kids » de MGMT, et pourtant si…), pour les plus talentueux, de mesurer son niveau aux plus hautes difficultés proposées par le soft, et, pour les plus aventureux, pour compléter de manière très inattendue sa culture musicale : 5000 titres minimum, on ne peut pas tout connaître ! Par contre, si vous vouliez absolument pouvoir bûcher vos pentas sur le titre de votre groupe préféré, il y a de grandes chances que vous repartiez frustrés.
Le soft n’est pas exempt de défaut, et lance un pari à ses utilisateurs : le faire vivre, et lui permettre de grandir avec eux dans le perfectionnement de leur amour des musiques, ou le laisser mourir, par manque d’utilisateurs et d’intérêts. Le problème est de savoir si les défauts ne sont pas trop importants pour laisser les quelques qualités du titre intéresser suffisamment de joueurs, pour que l’expérience soit la plus longuement réussie possible.
– whackangel
Merci à l’éditeur pour le pass qui aura permis l’écriture de ce test !
Catégories : Musique, Simulation
Plateforme : PC, via Ubisoft Connect
Langues : Menus en français, vidéos sous-titrées français
Date de publication : 6 septembre 2022
Développeur/Editeur : Ubisoft
Disponible sur Ubisoft Connect